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La lutte contre l’islam radical, une priorité du Prince héritier saoudien (Adel Al-Toraifi)

Le Prince héritier de l’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salman, a fait de la lutte contre l’islam radical une de ses priorités, selon Al-Toraifi, ancien ministre saoudien de l’Information et de la Culture.

D’emblée, l’ancien ministre saoudien rappelle que 1979 a été un tournant dans la géopolitique au Moyen-Orient. En effet c’est pendant cette année que les révolutionnaires iraniens ont renversé le Shah, que l’Union soviétique a envahi l’Afghanistan et que des extrémistes islamistes sunnites ont tenté de prendre le contrôle de la grande mosquée de la Mecque en Arabie saoudite.

A l’époque l’actuel prince héritier Mohammed Ben Salman n’était pas encore né, mais aujourd’hui il se bat contre les fantômes de 1979 en initiant une entreprise radicale de réforme du royaume.

«La tentative de prise de contrôle de La Mecque a été un événement déterminant dans mon pays, principalement à cause des évènements qui avaient suivi cet épisode. Les dirigeants saoudiens, craignant que la révolution en Iran, fasse des émules dans le royaume, avaient alors pris la décision de concéder plus d’espace à l’establishment clérical salafiste dans l’espoir de contrecarrer les radicaux», a expliqué Al-Toraifi ancien ministre saoudien de l’Information et de la Culture entre 2015 et 2017.

Selon lui, les prédicateurs salafistes traditionnels ne sont en principe ni violents ni politiques, mais ils ont une vision rigoureuse de l’islam.

«Leurs décisions judiciaires et la police de la moralité qu’ils mirent en place, rendirent le royaume de plus en plus intolérant, tout compromettant l’ouverture graduelle qui avait eu lieu dans les années 1960 et 1970», a ajouté  Al-Toraifi.

Dans les écoles saoudiennes, l’éducation était largement confiée aux ressortissants étrangers, dont nombre d’entre eux avaient eu maille à partir avec la confrérie des Frères musulmans, fondée en Egypte. Dans les années 1960 et 1970, l’Arabie Saoudite était plus préoccupée par le nationalisme arabe prôné Gamal Abdel Nasser que par le radicalisme islamiste.

Au début, les Frères musulmans n’étaient pas vraiment inquiets. Mais l’agenda politique de la confrérie et combiné à la doctrine rigide salafiste a commencé quelque peu à affecter le système éducatif saoudien.

C’est dans ce terreau fertile qu’a émergé l’idéologie djihadiste qui a permis à Oussama Ben Laden, fondateur d’Al Qaeda de recruter 15 Saoudiens qui ont pris part aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York. Nous, les Saoudiens, avons échoué dans la formation de ces jeunes hommes, et ce manquement a eu des répercussions négatives à travers le monde.

Les clercs salafistes et les Frères musulmans ont également travaillé de concert car ils ont pu bénéficier sans contrôle à des donations privés pour financer la construction de mosquées et de madrasas de Karachi au Caire, où ils ont souvent confié l’imamat aux prédicateurs conservateurs.

« L’idée des décideurs saoudiens était simple: donner aux islamistes politiques et à leurs affiliés salafistes la possibilité d’exercer une influence dans les domaines éducatives, juridiques et religieuses, et nous continuerons à contrôler la politique étrangère, l’économie et la défense », a expliqué l’ancien ministre.

« Les pourfendeurs du prince héritier Mohammed Ben Salman le décrivent comme un jeune homme trop pressé. Ils ont raison et le nouvel homme fort du royaume n’a pas tort », a-t-il lancé, non sans rappeler : « Le temps ne joue pas en notre faveur. Nous devons reformer notre pays sans attendre. »

Pour Ben Salman il est évident que « l’islam politique, qu’il soit sunnite ou chiite, confrérique ou salafiste, a déchiré plusieurs les nations dans le monde musulman. »

« Ce chaos donne une mauvaise image de l’Islam à travers le monde. Par conséquent, il est de notre devoir de contenir toutes les idéologies corrosives ainsi que groupes pernicieux et si nécessaire avec l’implication de nos alliés occidentaux et du Moyen-Orient » a expliqué Al-Toraifi citant le Prince Héritier.

Le roi Salman et le prince héritier Mohammed ont déjà introduit des changements radicaux. Le Prince Héritier a déjà entrepris le travail de réduction de l’influence de la police religieuse. Ces « moralisateurs » désormais n’ont plus le droit d’arrêter qui que ce soit dans la rue. Ils ont été complètement muselés. En outre le Roi et le Prince Héritier ont accordé aux femmes saoudiennes le droit de prendre le volant et de faire du sport, après plus décennies de frustrations de la gente féminine. Les femmes en Arabie Saoudite ne sont plus tenues de porter le foulard. J’aimerais voir plus de femmes promues à des postes de responsabilité dans le gouvernement. Il est grand temps que l’Arabie saoudite tire pleinement parti du potentiel économique des femmes », a fait observer l’ancien ministre.

S’appuyant sur les réformes de l’éducation de la dernière décennie, le prince héritier a lancé la Fondation MiSK pour offrir aux jeunes saoudiens une formation professionnelle conforme à normes internationales. Il a par ailleurs ouvert la voie à la normalisation de la vie en Arabie saoudite pour les jeunes, qui sont de plus en plus courroucés par les nombreuses restrictions sociales.

La nouvellement créée « General Entertainment Authority » organise des concerts, des représentations théâtrales et ouvre des cinémas avec des films étrangers.

Égrenant les nombreuses réformes lancées par le Prince Héritier, Al-Toraifi a souligné que Ben Salman a entamé le travail nécessaire pour combler le fossé générationnel dans les instances de prise de décision.

Pour rappel, trois quarts des Saoudiens, ont moins de 35 ans. Cette jeunesse qui maitrise parfaitement les dernières technologies de l’information et de la communication n’hésite pas à faire part de leurs frustrations, notamment avec la corruption.

C’est ce qui a d’ailleurs motivé la récente traque des hauts fonctionnaires et responsables soupçonnés de corruption.

Lors d’une conférence organisée en octobre 2017 à l’intention des investisseurs internationaux, Mohammed Ben Salman a fait part de sa vision d’un islam modéré.

« L’Arabie Saoudite n’était pas comme ça avant 1979 », a-t-il dit, ajoutant : «Nous voulons revenir à ce que nous étions, un royaume avec un islam modéré qui est ouvert à toutes les croyances. Nous voulons mener une existence normale et vivre en paix avec le reste du monde tout en contribuant à son progrès…»

« Pendant mon règne, je me suis rendu compte que, même si l’Arabie Saoudite continuera de faire face à des défis, pour la première fois en quatre décennies, les fantômes qui hantent l’Arabie saoudite sont en recul », s’est-il targué.

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