À Abobo comme à Korhogo, des milliers de femmes comptent chaque pièce pour se procurer des produits menstruels. Pour certaines, dépenser 500 FCFA pour un paquet de serviettes hygiéniques reste un luxe. Un prix jugé trop élevé par de nombreuses femmes et adolescentes, selon les organisations engagées pour la dignité menstruelle.

À la tête de l’ONG SMED-CI, Madoussou Touré tire la sonnette d’alarme. « À 500 francs, beaucoup de familles doivent choisir entre acheter une protection ou de quoi manger », déplore-t-elle d’un ton triste.
Les conséquences sont concrètes. Dans certaines localités, des jeunes filles s’absentent de l’école plusieurs jours par mois faute de protections adaptées. D’autres se tournent vers des solutions de fortune, parfois dangereuses pour leur santé.
« Nous voulons que chaque femme, où qu’elle soit, puisse vivre ses règles sans honte et sans stigmatisation », insiste la présidente de SMED-CI.
« À défaut de rendre les produits gratuits, si l’État détaxait ou subventionnait, et que le prix descendait à 300 ou 200 francs CFA, cela changerait la vie de milliers de femmes », poursuit-elle. Pour elle, la question n’est pas seulement économique, c’est un enjeu de santé publique et de justice sociale.
« Les règles sont un processus biologique naturel. Aucune femme ne devrait payer plus cher pour vivre simplement sa menstruation dans la dignité », plaide Madoussou Touré. Rendre les produits menstruels plus accessibles pourrait, selon elle, améliorer l’assiduité scolaire, réduire les dépenses de santé et favoriser la participation des femmes dans de nombreux secteurs informels.
Aux côtés d’ORAF, d’Arc-en-Ciel du Bonheur et de JFA, SMED-CI a lancé le projet “Sang pour sang pour la santé et la dignité menstruelle”. L’objectif est d’améliorer l’accès aux produits hygiéniques, de lutter contre les tabous et de réduire les inégalités liées aux règles. Le projet, qui durera un an, prévoit des campagnes de sensibilisation, des activités de plaidoyer et la collecte de données dans plusieurs régions du pays.
Parmi les actions phares figure la création d’un lexique national dédié à la santé menstruelle. Vingt organisations y ont contribué. Il définit des termes comme dignité menstruelle, précarité menstruelle, ménopause, taxe tampon ou taxes roses, autant de notions encore peu connues du grand public. « Nous voulons parler d’une seule voix. Ce lexique est adapté à la réalité ivoirienne pour être compris partout », explique Madoussou Touré.
Les ONG appellent désormais l’État à adopter une loi sur la santé et la dignité menstruelle, afin de structurer les actions publiques et d’améliorer l’accès aux produits essentiels. Elles espèrent que leur mobilisation fera bouger les lignes. « On peut changer les choses, mais nous avons besoin d’être accompagnés », conclut Madoussou Touré.
Durandeau





