Abidjan, 29 mai 2025 — Dans une atmosphère empreinte de gravité et d’espoir, c’est au cœur des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), tenues dans la capitale ivoirienne, que s’est joué un moment clé pour l’avenir économique du continent. Après plusieurs heures de délibérations et trois tours de scrutin décisifs, Sidi Ould Tah a été élu nouveau président de la BAD, recueillant 76,18 % des suffrages, dont 72,37 % des voix provenant des États africains membres. Ce score, net et sans appel, marque un large consensus autour de sa candidature et témoigne d’une volonté manifeste de renouvellement stratégique.
Il succède ainsi au Nigérian Akinwumi Adesina, en poste depuis 2015, dont le mandat prendra officiellement fin le 31 août 2025. Ce passage de relais, très attendu, s’inscrit dans un contexte régional et international particulièrement tendu, où les incertitudes économiques mondiales et le recul des aides extérieures, notamment américaines, pèsent sur les perspectives de croissance des pays africains. Le choix de Sidi Ould Tah est perçu par de nombreux observateurs comme un tournant vers un leadership technique et ancré dans les réalités du continent.
Un profil expérimenté au service d’une Afrique ambitieuse
Originaire de Mauritanie, Sidi Ould Tah incarne cette génération de technocrates africains qui allient expertise économique, sens politique et connaissance des enjeux de terrain. Formé à l’École nationale d’administration (ENA) en France, il a forgé sa réputation au sein d’institutions internationales et panafricaines, notamment à la tête de la banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), qu’il dirigeait depuis 2015. Durant son mandat, il a réussi à repositionner cette institution dans l’écosystème du financement du développement, avec des résultats probants en matière de financement d’infrastructures, de soutien au secteur privé et d’innovation financière. Très attaché à la transformation structurelle du continent, il prône un modèle économique reposant sur l’industrialisation durable, l’intégration régionale, l’autonomisation énergétique et la valorisation des ressources humaines africaines. Cette vision, détaillée durant sa campagne, a su convaincre une majorité des gouverneurs de la BAD, désireux de voir l’institution jouer un rôle plus affirmé dans la résolution des défis endogènes de l’Afrique, tout en consolidant sa stature sur la scène financière mondiale.
Une institution face à des défis majeurs et des attentes croissantes
L’élection de Sidi Ould Tah intervient à un moment charnière pour la banque africaine de développement. Si les années Adesina ont permis une expansion notable du capital et une hausse significative de la visibilité institutionnelle, de nombreux défis restent à relever. Le nouveau président devra s’attaquer à des problématiques lourdes : l’aggravation des inégalités, la précarité des systèmes de santé, la pression démographique, le changement climatique et les vulnérabilités sécuritaires croissantes dans certaines régions du continent. À cela s’ajoute le recul des financements publics internationaux, notamment en provenance des États-Unis, qui oblige la BAD à repenser ses partenariats stratégiques, diversifier ses sources de financement et renforcer ses liens avec les investisseurs privés. Sidi Ould Tah devra également accélérer la mise en œuvre de projets phares liés à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), et piloter des investissements massifs dans les infrastructures numériques et énergétiques. Son mandat devra ainsi concilier rigueur budgétaire, innovation financière et efficacité opérationnelle pour transformer les promesses de développement en résultats concrets et mesurables sur le terrain.
Une nouvelle ère s’ouvre pour la Banque africaine de développement
Alors que l’Afrique entre dans une décennie cruciale pour son avenir économique et social, l’arrivée de Sidi Ould Tah à la tête de la BAD suscite de nombreux espoirs. Les observateurs attendent de lui qu’il imprime un rythme plus audacieux à l’action de la BAD, tout en consolidant sa crédibilité auprès des partenaires techniques et financiers internationaux. Il devra aussi insuffler une dynamique plus inclusive, en accordant une attention particulière aux besoins des pays en développement intermédiaire et des Etats fragiles, souvent laissés à la marge des grands financements. Plus qu’un changement de présidence, cette élection incarne un nouvel état d’esprit, résolument tourné vers la recherche de solutions africaines aux problèmes africains. Le style de gouvernance, les premiers choix stratégiques et les nominations à venir donneront rapidement le ton du nouveau mandat.
À l’aube de cette transition, un mot revient avec insistance dans les couloirs de la BAD à Abidjan : confiance. Confiance en la capacité du continent à tracer son propre chemin. Confiance en une institution qui, sous la houlette de son nouveau dirigeant, pourrait redonner un sens concret à la promesse d’un développement durable, solidaire et souverain pour l’Afrique.
J.Nanou