Un ton grave, une plume affûtée, une décision aux accents historiques. Dans un communiqué sans détour publié ce 11 avril – date hautement symbolique dans la mémoire politique ivoirienne –, le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), par la voix de son président Laurent Gbagbo, annonce officiellement la suspension de sa participation à la Commission Électorale Indépendante (CEI).
Une décision qui résonne comme un coup de tonnerre dans un paysage politique ivoirien déjà sous tension.
« Ce qui advient n’est pas acceptable »
« La CEI n’est plus ce qu’elle prétend être », déclare Laurent Gbagbo. Pour l’ancien président, la Commission s’est transformée en un « instrument docile » au service du pouvoir en place. Plus grave encore, elle serait aujourd’hui, selon ses termes, « disqualifiée, discréditée », et responsable d’un processus électoral biaisé, marqué par l’exclusion, la fraude et la manipulation.
« Je refuse de me rendre complice de ce qui est en train d’advenir à notre pays », martèle le fondateur du PPA-CI, dans un appel solennel à l’intégrité politique.
Un 11 avril dans toutes les mémoires
La date du 11 avril ne doit rien au hasard : elle renvoie à un traumatisme national, celui de l’arrestation spectaculaire de Laurent Gbagbo en 2011, au terme d’une crise post-électorale sanglante. En invoquant cette référence, le PPA-CI tire la sonnette d’alarme. « Nous ne voulons plus d’un autre 11 avril », avertit le communiqué.
C’est donc un cri du cœur autant qu’un avertissement politique lancé au pouvoir d’Abidjan : sans réforme sérieuse et inclusive de la CEI, le spectre d’une nouvelle crise électorale pourrait assombrir, une fois de plus, l’avenir du pays.
La CEI au banc des accusés
Selon le document, la CEI violerait aujourd’hui ses propres textes pour satisfaire des intérêts partisans. Accusée de partialité, de manipulation du code électoral et de refus de transparence, elle incarne, aux yeux du PPA-CI, un obstacle à la tenue d’élections libres et crédibles. Une situation que Laurent Gbagbo qualifie de « mise en danger de la démocratie ivoirienne ».
Le PPA-CI pointe plusieurs dysfonctionnements : refus d’auditer une liste électorale contestée, exclusion présumée de leaders de l’opposition, irrégularités persistantes… Autant de signaux inquiétants, selon le parti.
Appel au dialogue et à la réforme
Fidèle à sa ligne de conduite, le PPA-CI ne ferme pas la porte au dialogue. Le parti réitère son appel à un « dialogue politique sincère » entre forces politiques, société civile et pouvoir, afin de refonder une CEI crédible, impartiale et inclusive.
Mais en attendant, le mot d’ordre est clair : suspension immédiate de toute participation du PPA-CI à la Commission Électorale Indépendante. Et ce, « jusqu’à nouvel ordre ».
Une décision stratégique ou risquée ?
Si cette prise de position peut renforcer le capital politique du PPA-CI auprès de sa base, elle n’est pas sans risques. En se retirant de la CEI, le parti se prive d’un levier d’influence essentiel dans le processus électoral. Mais pour Gbagbo et les siens, l’enjeu est ailleurs : réaffirmer un principe intangible – la souveraineté du peuple par des élections justes.
En toile de fond : 2025, une année charnière
À moins d’un an de la présidentielle de 2025, cette décision marque un tournant. Le climat politique s’électrise, les lignes de fracture se précisent, et l’enjeu dépasse les joutes partisanes : il s’agit, selon les mots du communiqué, « de sauver la Côte d’Ivoire ».
Dans un contexte régional secoué par les tensions et les transitions difficiles, la Côte d’Ivoire joue une partition cruciale. Reste à savoir si le pouvoir répondra à l’appel au dialogue ou s’engagera dans la voie de la confrontation.
Une chose est sûre : le compte à rebours est lancé.
JEAN ELENE NANOU