Hervé Delmas KOKOU est le Directeur Exécutif d’Amnesty International Côte d’Ivoire. À l’occasion du Cross des Droits humains, organisé ce samedi 31 mai 2025 dans le cadre du 64e anniversaire d’Amnesty International, il dresse un état des lieux des droits humains en Côte d’Ivoire.
Quel sens donnez-vous à cette manifestation ?
En tant qu’Amnesty Côte d’Ivoire, nous souhaitons célébrer les 64 ans d’Amnesty International (28 mai 1961 – 28 mai 2025). Nous avons voulu commémorer cet anniversaire de manière originale, en sortant du cadre habituel des séminaires, ateliers et conférences. C’est pourquoi nous avons organisé un cross populaire, en invitant tout le monde : les politiques, la société civile, les forces de défense, la police… Et, Dieu merci, les participants sont venus en grand nombre, notamment les forces de défense, qui ont fortement répondu à l’appel.
Combien de participants avez-vous enregistrés ?
Nous avons comptabilisé entre 800 et 1 000 personnes venues courir ce matin. C’est pour nous un motif de satisfaction et d’encouragement.
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce cross ?
Amnesty International fête ses 64 ans. Après toutes ces années, quel est l’état des lieux des droits humains ? Il est vrai qu’il y a eu des avancées, notamment au niveau des textes, tant au plan national qu’international. Des conventions ont été adoptées sur la torture, le racisme, les droits des enfants, etc. Mais la réalité de leur application reste préoccupante. Aujourd’hui encore, le droit international est bafoué. Regardez ce qui se passe en Israël : en 2025, nous assistons peut-être à un génocide sous les yeux du monde.
Un étudiant en droit international se demande aujourd’hui si ce qu’il apprend en cours correspond encore à la réalité. C’est ce constat qui nous pousse à interpeller l’opinion : le combat continue. Ce cross symbolise notre engagement renouvelé. Après 64 ans, nous ne ralentissons pas. Au contraire, nous relançons la lutte, car le monde qui vient nous inquiète davantage que celui que nous avons connu.
En 64 ans, quelles avancées notez-vous en Côte d’Ivoire ?
La Côte d’Ivoire, comme d’autres pays, a adopté des textes importants. Depuis la Constitution de 2016, plusieurs lois ont été votées, y compris une loi sur les défenseurs des droits humains, avec son décret d’application. Ces textes existent, mais leur application reste un véritable défi. Des personnes sont encore emprisonnées pour avoir voulu manifester pacifiquement. L’organisation même de manifestations est souvent compliquée.
C’est là que réside notre mission : faire en sorte que les textes soient appliqués. Ce défi concerne tout le monde : les politiques, qui ont voté les lois avec bonne volonté, mais aussi la société civile, qui doit jouer son rôle de veille. Ensemble, nous devons parvenir à créer une réelle harmonie entre les lois et leur mise en œuvre.
Où se situe la Côte d’Ivoire dans les classements internationaux en matière de droits humains ?
Chez Amnesty International, nous ne parlons pas sans fondement. Nous nous basons sur des études rigoureuses. Nous ne faisons pas de classement global du type « premier » ou « dernier ». Nous réalisons plutôt des évaluations pays par pays.
En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, comme je l’ai dit, il y a eu des progrès importants sur le plan juridique. Mais le principal défi reste l’application de ces textes. Prenons l’exemple de la lutte contre la corruption : nous avons des institutions comme l’Autorité de la bonne gouvernance, le Pôle économique, la Cour des comptes… Malgré cela, les populations continuent de se plaindre de corruption.
Donc, oui, au niveau des textes, nous sommes en avance. Mais il faut encore franchir l’étape essentielle de leur mise en œuvre effective.
Propos recueillis par Lebéni KOFFI