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La mort de Dietrich Mateschitz, fondateur de Red Bull et révolutionnaire du sport

Abidjan,le 23 octobre 2022( Le temps)-Décédé samedi à 78 ans, le milliardaire autrichien a redéfini le marketing sportif et créé un écosystème en marge des fédérations internationales. Red Bull soutient 500 athlètes, organise des compétitions de sports extrêmes, possède six clubs de football et deux écuries de formule 1 et s’est associé avec Alinghi

La Styrie a donné au monde Arnold Schwarzenegger et Dietrich Mateschitz. Le premier, ancien champion de culturisme, s’est éloigné assez vite du sport pour s’accomplir comme star à Hollywood puis gouverneur de Californie. Le second, issu du monde des affaires, est devenu au fil du temps un personnage central du sport mondial. Et probablement l’acteur privé le plus influent depuis Adi Dassler (Adidas) et Phil Knight (Nike). Il est décédé samedi 22 octobre à 78 ans, des suites d’un cancer.

Dietrich «Didi» Mateschitz, c’est Red Bull. Une marque de boisson énergisante lancée en 1984 avec le Thaïlandais Chaleo Yoovidhya. C’était mal parti – «le logo est amateur, le nom est bizarre, la couleur est moche, le goût est infect» – mais la réussite se chiffre aujourd’hui en milliards: 10 milliards de canettes vendues chaque année, 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 27 milliards d’euros de fortune personnelle.

On a oublié les polémiques sur cette boisson vendue dans le coffre des voitures aux abords des rave parties dans les années 1990 et dont on disait qu’elle était un aphrodisiaque à base d’extraits de testicules de taureaux, un produit dopant potentiellement mortel, un excitant aussi addictif que la cocaïne. La marque a prospéré sur la rumeur, vendu le goût de l’interdit et popularisé un slogan devenu mantra: «Red Bull donne des ailes».

Quelle finalité?
Tout ceci, le business et les rumeurs, paraît presque secondaire aujourd’hui et c’est un peu le problème. Coca-Cola et Adidas ont financé le sport, ils ont souvent influé en coulisses sur sa gouvernance mais ils n’ont jamais franchi la barrière. Personne n’a jamais pensé qu’ils s’impliquaient pour autre chose que pour vendre des chaussures ou des sodas. Avec Red Bull, cette frontière s’est estompée.

La marque désigne moins le nom d’un produit vendu en supermarché que celui de clubs de football (Red Bull Salzbourg, New York Red Bulls), d’écuries de formule 1 (Red Bull Racing et sa petite sœur AlphaTauri, ex-Toro Rosso) et de compétitions de sports extrêmes: les Red Bull Cliff Diving World Series en plongeon de haut vol, les Red Bull Crashed Ice en patinage de descente, le Red Bull Air Race en voltige aérienne ou même le Red Bull BC One en breakdance, pour ne citer que quelques exemples.

L’empire Red Bull compte six clubs de football, un de hockey sur glace et une flotte de bateaux engagés sur le GC32 Racing Tour et dans les Extreme Sailing Series. Il sponsorise près de 500 athlètes dans le monde, dont de nombreux Suisses: Fanny Smith (ski cross), Marco Odermatt (ski alpin), Nikita Ducarroz (BMX), Mathilde Gremaud (ski freestyle), Mat Rebeaud (moto freestyle), Natascha Badmann (triathlon), Petra Klingler (escalade), Joana Heidrich et Anouk Vergé-Dépré (beach volley), Daniela Ryf (triathlon), Max Heinzer (escrime).

En 2012, l’Autrichien Felix Baumgartner a franchi le mur du son lors d’un saut en chute libre stratosphérique. Un exploit Red Bull. En 2009, le base jumper Ueli Gegenschatz s’est tué en s’élançant du haut de la tour Sunrise à Oerlikon lors d’une opération de communication. Un drame Red Bull.

Red Bull, c’est une marque, c’est un monde, c’est un média

Ernesto Bertarelli

Les pilotes Neel Jani et Sébastien Buemi sont des produits de la filière automobile Red Bull, qui a «sorti» de nombreux pilotes de formule 1, dont les vainqueurs de Grand Prix Daniel Ricciardo, Pierre Gasly et Carlos Sainz Jr, et les champions du monde Sebastian Vettel et Max Verstappen.

En décembre dernier, Alinghi annonçait son retour dans la Coupe de l’America pour gagner l’aiguière d’argent en 2024 à Barcelone et son partenariat avec l’écurie Red Bull Racing. «Ils n’ont pas seulement une expertise technologique, soulignait alors Ernesto Bertarelli, ils sont également excellents dans la communication, la diffusion, la capacité à créer l’enthousiasme de la jeunesse pour les sports extrêmes, les sports de vitesse. Red Bull, c’est une marque, c’est un monde, c’est un média.»

A relire: Alinghi se réinvente avec Red Bull Racing

«La stratégie de Red Bull est d’agir en média. Produire plutôt que d’apposer son logo à du contenu externe. Organiser des événements plutôt que de les sponsoriser», nous expliquait en 2017 Fred Dumonal, directeur du programme Brand Content à l’école de marketing et de communication digitale CREA.

On sait peu de choses de la vie privée de Didi Mateschitz, sinon qu’il était passionné d’aviation et qu’il avait un fils, car il donnait peu d’interviews. En revanche, il a très tôt fondé la Red Bull Media House, une filiale destinée à la production, à la diffusion et à la valorisation des compétitions et des sportifs soutenus par la marque. Il y a Red Bull TV (10 millions d’abonnés sur YouTube), Red Bull Films, Red Bull Music. Lancé en 2007, le magazine The Red Bulletin est diffusé dans le monde entier, souvent encarté dans des journaux prestigieux.

Soutenir les plus doués
«Beaucoup d’entre nous sommes reconnaissants à Dietrich Mateschitz pour les opportunités qu’il a offertes, la vision qu’il avait et cette force de caractère pour ne jamais avoir peur de suivre ses rêves», a réagi Christian Horner, depuis Austin où le patron de l’écurie Red Bull en formule1 préparait le GP des Etats-Unis ce dimanche. C’est notamment le cas de Max Verstappen, double champion du monde, recruté à 16 ans, lancé en F1 à 17.

A relire: Comment Red Bull est devenu un média sportif qui compte

Cette réussite incontestable sur le fond appelle deux types de commentaires. Les uns louent la vision d’un modèle qui «ne se trompe jamais», recrutant très jeunes Sadio Mané et Erling Haaland, par exemple. Les autres déplorent une politique d’aspiration de talents formés par d’autres permise par des moyens financiers considérables. La vérité est à mi-chemin. Red Bull Racing domine la formule 1 avec un budget global inférieur à ceux de Ferrari et Mercedes mais est accusée d’avoir dépensé plus que le plafond autorisé en 2021 et 2022. Le RB Leipzig a contribué à rénover la Bundesliga mais il est détesté par une grande partie des supporters traditionnels.

En football, Red Bull joue sur les mots et avec les réglementations mais, au contraire d’Ineos ou du City Football Group, assume clairement la hiérarchie et les passerelles entre ses différents clubs. C’est à la fois très froid et moderne dans l’organisation et basé sur l’humain dans le fonctionnement interne. L’argent a permis de recruter des Upamecano, Nkunku, Olmo, Naby Keita; l’audace a lancé des entraîneurs comme Ralf Rangnick, Jesse Marsch, Marco Rose, Ralph Hasenhüttl ou Peter Zeidler.

Le Temps

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